La diplomatie de la girafe. Pour le prince, des animaux pour cadeaux

Lisons le journal Le Globe, 10 juillet 1827 : "La Girafe, ou Une Promenade au Jardin du roi. Que d’honneurs rendus à une bête ! Elle passe des déserts dans les cours ; présent royal, des souverains se la disputent, et des savants sont députés pour la recevoir. Sa marche vers Paris est un triomphe. Le peuple, attiré par la curiosité, la salue de ses acclamations." Girafes, lions, éléphants, et toutes sortes de bestioles : dans le temps, quelle place pour les animaux exotiques comme cadeaux diplomatiques ?

L'échange de cadeaux est un rituel crucial dans une relation diplomatique. Il précède les négociations proprement dites et symbolise l'entrée dans le temps de la diplomatie. Les présents participent d'une communication non verbale où tout est signifiant : le respect du protocole, l'étape du don contre-don, la nature et la valeur des présents. Audrey Becker, maîtresse de conférences en histoire romaine, souligne le fait que ces dons "sont essentiels pour l'idéologie du pouvoir impérial turc à l'Antiquité. Ainsi, l'arrivée des ambassades avec des animaux à Constantinople est l'illustration vivante de cette idéologie universaliste de l'Empire, à une époque où l'Empire ne domine plus aussi clairement militairement dans ses rapports aux autres. Ces ambassades sont très rares et paradoxalement, plus les puissances envoient des cadeaux fastueux et donc des cadeaux très rares, plus c'est interprété à Constantinople comme la preuve de l'universalisme du pouvoir de l'empereur. De ce point de vue là, ces cadeaux sont essentiels pour la mise en scène du pouvoir impérial".

Parmi les cadeaux diplomatiques, les animaux exotiques sont des présents exceptionnels, très appréciés des souverains. L'éléphant et la girafe, du fait de leur rareté et de leur aspect spectaculaire, sont des cadeaux de roi et d'empereur. Thierry Buquet, ingénieur de recherche au laboratoire Craham, souligne la portée symbolique de ces cadeaux diplomatiques : "Giorgio Vasari décrit les plafonds peints qu'il a fait pour le Palazzo Vecchio à Florence, sur lesquels il y a une scène d'ambassade, de remise de cadeaux à Laurent de Médicis, une girafe y est évoquée. Il dit que c'est important d'avoir mis en scène ce cadeau parce que c'est un animal rare, que même les Espagnols et les Portugais n'ont pas pu se procurer à l'époque. C'est une des rares mentions de rivalités entre les cours européennes, pour montrer celui qui aurait la plus riche ménagerie".

De la cour de Constantinople aux royaumes barbares, des palais du sultan d’Égypte à la cour de Florence, quelle est la place des animaux exotiques dans les offrandes diplomatiques ? À quels périls les bêtes sauvages capturées sont-elles exposées ?

Pour en parler

Thierry Buquet est ingénieur de recherche au laboratoire Craham (CNRS/Université de Caen Normandie).

Audrey Becker est maîtresse de conférences en histoire romaine à l’Université de Lorraine.
Elle a publié :

• Dieu, le souverain et la cour. Stratégies et rituels de légitimation du pouvoir impérial et royal dans l’Antiquité tardive et au haut Moyen Âge (Ausonius, 2022)
• Les Relations diplomatiques romano-barbares en Occident au Ve siècle. Acteurs, fonctions, modalités (De Boccard, 2013)

Le Pourquoi du comment : histoire

Toutes les chroniques de Gérard Noiriel sont à écouter  ici.

Références sonores

• Chanson La Patrouille des éléphants du film d'animation Le Livre de la jungle de Wolfgang Reitherman, 1967
• Extrait de la série télévisée Kaamelott d'Alexandre Astier, Livre IV, épisode "Le Jeu de la guerre", 2006
• Musique Le Carnaval des animaux : Introduction et marche du lion de Camille Saint-Saëns par Güher et Süher Pekinel et l'Orchestre philarmonique de Radio France, 2008
• Extrait du film d'animation Zarafa de Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie, 2012
• Générique de l'émission : Origami de Rone